Los Angeles, ville fantôme sous occupation de l'ICE
Au programme cette semaine : une balade dans un LA transformé et Beyoncé en tournée, voire en campagne. Côte à côte, épisode 18
La ville est calme. Trop calme. Suspicieusement calme. De retour à Los Angeles après un long séjour en France, je redoutais ce que j’allais retrouver. Le coup de force trumpiste du 7 juin — le déploiement de la Garde nationale et des Marines pour « protéger » les bâtiments fédéraux du centre-ville, prétendument menacés par des « émeutiers » — laissait augurer le pire.
En réalité, il n’y a pas eu d’émeutes. Tout juste quelques rassemblements de protestation, bruyants mais pour l’essentiel pacifiques, contre les rafles opérées par l’ICE (Immigration and Customs Enforcement) dans plusieurs quartiers à forte population immigrée. Mais il n’en fallait pas plus pour que la Maison Blanche crie au chaos, ordonne le déploiement de troupes et lance, dans la foulée, une vaste opération de « sécurisation » de Los Angeles. C’est la première fois depuis les émeutes de Watts en 1965 qu’une telle décision, consistant à fédéraliser une force militaire locale, est prise.
Ayant suivi les événements de loin, scotché aux notifications de mon téléphone et aux vidéos sur les réseaux sociaux, je me doutais bien que les images-choc étaient loin de la réalité. C’est d’ailleurs ce que me confirmaient mes amis sur place, davantage choqués par la répression disproportionnée que par les quelques échauffourées anodines et localisées, dépassées en termes de voitures brûlées par n’importe quelle célébration footbalistique sur le Vieux continent.
(De la même façon que les incendies de janvier, contrairement à ce que peuvent supposer ceux qui n’ont jamais mis les pieds à L.A., n’ont brûlé qu’une petite superficie, laissant 99 % de la ville intacte — mais meurtrie, certes).
La peur des rafles
Une fois sur place, ce n’est donc pas un Los Angeles à la John Carpenter qui m’attendait mais une ville inhabituellement silencieuse. Comme abattue. Dévitalisée. Et ce n’est pas le soleil, toujours timide sous la couche nuageuse typique du mois de juin — on appelle ce phénomène atmosphérique « June Gloom », succédant à « May Gray » et faisant de ce moment de l’année le moins agréable, fin de la parenthèse météorologique — qui est responsable de cette atonie.
C’est bien la peur. La peur des rafles, depuis que la police de l’immigration, la funeste ICE a fait main-basse sur la jadis ville-sanctuaire, peuplée à près de 50 % par des latinos et, selon une étude universitaire de 2020, par près de 10 % de sans-papiers — soit plus de 900 000 personnes dans le comté. Relativement épargnée depuis janvier, L.A. est désormais sous la coupe de cette police masquée, qui kidnappe des gens en pleine rue, avec pour objectif déclaré d’arrêter 3 000 personnes par jour.
La peur est particulièrement palpable dans mon quartier, East Hollywood, historiquement latino, avec une dominante salvadorienne. C’est notamment là que les rafles ont commencé, début juin, sur le parking du Home Depot (l’équivalent de Leroy Merlin) où se rassemblent chaque matin des travailleurs journaliers à la recherche de petits boulots. Ils ont disparu.
Tout comme les quatre ou cinq hommes qui buvaient paisiblement leurs bières au coin de ma rue en fin de journée. Je n’ose imaginer la terreur des parents d’élèves, pour la plupart d’origine étrangère, qui viennent chercher leurs enfants à l’école primaire devant chez moi. Les vendeurs de tacos, présents à la plupart des grandes intersections, ont plié bagage. Les parcs sont presque vides. Les restaurants salvadoriens et guatémaltèques désertés. Je n’avais pas vu ça depuis le confinement de 2020 — et encore, les jeunes osaient mettre le nez dehors.
Et ensuite ? « All over the United States »
Tous ces gens qui font de Los Angeles une ville cosmopolite, hyper vivante et pleine d’entrain se terrent chez eux, espérant qu’on ne va pas frapper à leur porte à 5 heures du matin pour les arracher à leur famille. Sur les réseaux sociaux, des vidéos montrent des familles séparées et des voisins hurlant et pleurant tandis que les agents de l'ICE arrêtent des immigrants sans papiers dans tout Los Angeles.
A Downtown, que j’ai seulement traversé en voiture, c’est encore pire. Le quartier est totalement morose. Et presque intégralement blanc. Devant les bâtiments fédéraux, comme le Roybal Federal Building à Little Tokyo, des centaines de soldats font le pied de grue, impassibles, maintenant les badauds à distance.
Jeudi, une cour d’appel a autorisé Trump à maintenir ces troupes sur place, infligeant une défaite juridique à Gavin Newsom, le gouverneur de Californie. « All over the United States », a fanfaronné sur son réseau social le président, qui entend désormais faire la même chose dans d’autres Etats.
Le Flower District — le plus grand marché de gros aux fleurs des États-Unis — s’est vidé. Les vendeurs, même en règle, ont fermé boutique en milieu de semaine, suite aux rumeurs de raids imminents. Idem dans le Garment District et ses innombrables ateliers textiles qui grouillent habituellement d’activité : tout est fermé, barricadé, silencieux. Selon un rapport du Bay Area Council Economic Institute, ces rafles pourraient coûter jusqu’à 278 milliards de dollars au PIB californien.
Une amie trans d’origine philippine, qui vit non loin et qui est parfaitement en règle, me raconte la terreur qu’elle ressent en sortant de chez elle, harcelée par des agents en civil surgissant de nulle part, lui demandant ses papiers et lui faisant des remarques désobligeantes. Qu’est-ce qui les empêche de la kidnapper, sans mandat, et de la garder en cellule pour quelque temps si l’envie leur en prend ? Rien.
J.D. Vance vient parader en territoire conquis
Vous pensez que j’exagère ? Lisez le témoignage de cette actrice canadienne de 35 ans, Jasmine Mooney, détenue sans raison pendant 12 jours à la frontière. Ou celui, largement médiatisé, de l’étudiant Mahmoud Khalil, finalement relâché cette semaine après plus de trois mois en prison. Et que dire de cet homme de 36 ans, extrait violemment de sa voiture et arrêté jeudi alors qu’il filmait, en toute légalité, l’interpellation d’une vieille dame qui vendait des tamales (un plat de rue typique d’Amérique centrale) ?
Dans son édition de samedi, The Guardian raconte l’histoire de Yurien Romero, jeune Américaine d’origine zapotèque (une communauté autochtone du Mexique), qui a vu sa vie basculer il y a deux semaines lorsque son père Mario a été arrêté lors d’une descente de l’ICE dans une usine textile de Los Angeles.
Restée sans nouvelles pendant plus d’une semaine, Yurien a fini par apprendre qu’il avait été maintenu huit heures dans une camionnette sans eau ni toilettes, avant d’être transféré dans un centre de détention. Elle a mis ses études entre parenthèses pour s’occuper de son petit frère handicapé et tenter de sauver ce qu’il reste de leur foyer.
Vendredi, le vice-président J.D. Vance est venu parader à Los Angeles, accompagné d’un cortège de Marines, d’agents du FBI et de caméras. Officiellement, il s’agissait de « remercier les forces de l’ordre » et de faire le point sur les opérations d’ICE en cours. Vance a surtout dénoncé la « complicité » des autorités locales, accusant le gouverneur Gavin Newsom et la maire de L.A. Karen Bass d’avoir transformé Los Angeles en terre d’asile pour « criminels étrangers ». Un « political stunt » en bonne et due forme.
Vance a volontairement écorché le nom du sénateur (latino) de Californie, Alex Padilla, le prénommant « José ». Face à cette provocation, Karen Bass s’est contenté de répondre poliment « Monsieur le Vice-président, comment osez-vous manquer de respect à notre sénateur ? », tandis que Newsom a affirmé que l’erreur n’était pas « accidentelle ». No shit Sherlock.
Quelques motifs d’espoir
Dans ce climat de peur et de répression, une nouvelle donne tout de même un peu d’espoir : l’équipe de baseball des Dodgers de Los Angeles a empêché jeudi les agents d’ICE d'entrer dans leur stade. Et le lendemain, ils ont versé un million de dollars pour aider les familles affectées par les rafles, prévenant que « d'autres actions pour les communautés seraient annoncées dans les prochains jours ».
L'équipe dispose d'une large base de fans latinos et comprend environ un tiers de joueurs d’origine latino-américaine. L'un d'eux, le portoricain Kiké Hernández, s'est exprimé sur Instagram pour critiquer les raids sur Los Angeles, disant « ne pas supporter de voir notre communauté être violée, stigmatisée, maltraitée et déchirée ».
Ailleurs, des poches de résistance s’organisent, comme en témoigne le média en ligne MotherJones. Le programme « Cart with a Heart » permet ainsi à des familles terrées chez elles de recevoir des courses discrètement. Le YMCA (Young Men's Christian Association), quant à lui, livre nourriture et produits de première nécessité, transforme ses locaux en centres de dons et invite les habitants à écrire des messages de soutien.
L’association KTown For All a, elle, adopté une approche ingénieuse : racheter aux vendeurs ambulants leurs stocks afin de leur permettre de rentrer chez eux plus tôt. Jeudi, l'organisation avait ainsi récolté 50 000 dollars au profit de 42 vendeurs et de leurs familles, couvrant ainsi leur loyer et leurs factures et les gardant « en sécurité, hors de la rue et hors de vue ». Enfin, d’autres groupes comme le Projet Esperanza ou la Coalition pour les droits humains des immigrés, proposent une aide juridique face aux activités de l’ICE.
Une réponse citoyenne, encore discrète mais vitale, face à la brutalité d’un État qui a choisi la peur comme méthode de gouvernement.
Côté Art
Beyoncé, Présidente
Queen B a lancé le 28 avril à LA son Cowboy Carter Tour. Côte à Côte a assisté à l’étape parisienne et vous raconte
La mise en scène intervient tôt dans le concert, après 5 chansons. D’abord avec ce très joli clip qui met en avant l’excellence artistique noire américaine. Puis une vidéo plus engagée qui recense les critiques reçues ces derniers temps par la chanteuse de la part des chaînes info américaines, avec des extraits de Fox News notamment, dans lesquels les présentateurs sont floutés : « Qu’arrive-t-il à la musique country ? Elle est tombée malade ». Sur fond de America has a problem (son titre de 2022 avec Kendrick Lamar), Beyoncé émerge des entrailles du stade, derrière un pupitre. La candidate Beyoncé, vêtue d’une robe en coupures de presse, n’est pas en tournée, elle part en campagne pour défendre son Amérique, pour défendre l’Amérique tout court.
Dans son dernier album Cowboy Carter, Beyoncé est très claire sur ses intentions, elle est là pour jouer les remparts. Les morceaux s’intitulent Protector ou Bodyguard. « I'll be your shotgun rider 'til the day I die », chante-t-elle aussi sur II Most Wanted, son duo avec Miley Cyrus, le « shotgun rider » décrivant le passager avant des diligences, celui qui avait un rôle de défense dans l’imaginaire western. Et la Texane entend le faire les armes à la main, réelles ou imaginaires : « Staring down the barrel of this gun », « Yes, I shot you down », « John Wayne that ass »… En tant que mère, en tant que cowboy, en tant qu’artiste, Beyoncé est donc là pour nous protéger. Oui mais de quoi ? D’un monde qui ne tourne plus rond.
Géante comme Michael Jackson
Car ne vous y trompez pas, elle le clame haut et fort, l’Amérique c’est elle. Dans un autre clip extrêmement réussi et réalisé pour la tournée, la chanteuse se fait géante à travers les États-Unis : elle marche littéralement sur Washington avec Abraham Lincoln qui lui fait un clin d’œil, se sert de la torche de la statue de la Liberté comme d’un vulgaire briquet. La voici parmi les plus grands (dans tous les sens du terme donc) tant la scénographie de Queen B rappelle la promo du King of Pop pour sa tournée HIStory. En 1995, neuf statues géantes à l’effigie de Michael Jackson traversaient le monde. Dix mètres de haut et 19 tonnes d’acier et de fibre de verre, l’une postée sur une barge sur la Tamise ou l’autre posant en majesté sur les Champs-Élysées.
Car, outre un sens exceptionnel du spectacle et une voix sublime, les deux artistes partagent ce goût pour l’exploration de territoires qui, non seulement, ne sont pas les leurs mais surtout où ils ne sont pas les bienvenus. En effet, beaucoup de ce qui s’est joué sur scène, devant nous, et sur l’album Cowboy Carter, vient d’un événement, banal en apparence : la sortie par Beyoncé, sur son mythique Lemonade, d’une chanson aux accents country, Daddy Lessons qui va surprendre et surtout entraîner des flots de critiques aussi injustes qu’inappropriées.
La chanson est testée sur quelques radios country mais reçoit un accueil mitigé, « pas assez country ». La commission des Grammy Awards refuse aussi de faire concourir ce titre dans la catégorie country, malgré le soutien de certains artistes du genre.
Des artistes country quittent la salle
La polémique atteint son paroxysme le 2 novembre 2016, à Nashville pour la grande soirée des CMA, les Country Music Awards. Beyoncé est invitée à chanter Daddy Lessons avec le groupe The Dixie Chicks, un trio féminin emblématique de la country contemporaine, originaire du Texas comme Bey, formé en 1989 et très populaire malgré des prises de position qui ont parfois heurté le milieu très conservateur de la country (comme son opposition forte à la guerre en Irak en 2003).
La performance suscite une immense attention médiatique, mais aussi immédiatement une vague de réactions négatives, avec des relents de racisme. Des artistes quittent carrément la salle pendant la prestation comme Alan Jackson ou Travis Tritt qui dira : « La country plaît à des millions de fans depuis des décennies. On est très bien entre nous et on n’a pas besoin des artistes pop dans nos cérémonies ». Un critique country se veut même catégorique : « C’est pas une chanson country. Elle ne l’a pas enregistrée dans uns studio du Tennessee et encore moins écrite avec des auteurs ou des compositeurs de Nashville ». Hors Nashville, point de country, circulez, y a rien à écouter.
Meilleur album
Évidemment , les réseaux sociaux s’en mêlent et s’enflamment : « Va te faire foutre Beyoncé, elle soutient les voyous et en plus sa musique c’est de la merde » peut-on par exemple lire, tout en finesse sur Twitter. Les CMA vont jusqu’à supprimer la vidéo, officiellement pour des questions de droits, mais beaucoup estiment que la cérémonie a cédé à la pression des fans conservateurs et racistes.
La controverse devient un cas d’école sur l’exclusion raciale dans la musique country et la difficulté pour les artistes noirs d’y être reconnus, comme le rappelle la chercheuse en études américaine de l’université de Strasbourg, Elsa Grassy, dans cette émission de France Culture. Beyoncé évoquera plus tard cette expérience comme l’une des raisons ayant inspiré le projet Cowboy Carter. Et elle ne sera pas la seule victime du système et du milieu. Quelques mois plus tard, le jeune rappeur, noir, débutant, Lil Nas X, voit sa chanson Old Town Road cartonner et subir les mêmes critiques, les mêmes doutes et le même rejet alors qu’il partage le titre avec, là encore, une référence de la country, Billy Ray Cyrus (le père de Miley qui a donc chanté en duo avec Beyoncé et était invitée sur la scène du Stade France, la boucle est bouclée).
Mais Beyoncé fait ce qu’elle veut et elle le fait magistralement. Cowboy Carter a parfois dérouté ses fans les plus assidus mais c’est aussi le disque qui lui a permis de rafler (enfin) son premier Grammy Awards du meilleur album. Ironie du sort, elle a également remporté le Grammy du meilleur album country et du meilleur duo country (pour sa chanson avec Miley Cyrus).
Syncrétisme musical
Surtout, Beyoncé a mélangé la country avec le rock, la pop, le rap, le blues, la folk, le R&B, le gospel, la soul, l’opéra, le flamenco, la bluegrass et même la gigue irlandaise sur Riiverdance. Elle reprend des hymnes intemporels comme Blackbiird des Beatles (sur la lutte des Afro-Américains pour les droits civiques aux États-Unis dans les années 1960) ou Jolene de Dolly Parton. Elle fait des allusions à Good Vibrations des Beach Boys, These Boots Are Made For Walkin’ de Nancy Sinatra ou Landslide de Fleetwood Mac. Elle invite, pour des interludes surprenants, des légendes de la musique americana : Dolly Parton, Willie Nelson ou Linda Martell, pionnière noire de la country. Et chante en duo avec des artistes aussi éclectiques que Shaboozey, Post Malone, Willie Jones ou donc (si vous ne l’aviez toujours pas compris) Miley Cyrus.
Car, qu’on se le dise, ce n’est pas un album country. Beyoncé, elle-même, l’a dit à plusieurs reprises. Elle atteint ici une forme de syncrétisme musical, pour d’abord rendre hommage à la tradition américaine et pour s’installer un peu plus dans la légende. Chaque piste se retrouve à l’intersection de nombreux genres. Elle revisite la culture country, fait sauter les identités tout en y affirmant la sienne : celle d’une femme noire née à Houston au Texas. Elle a été bercée par ces sons dans son enfance, elle qui assistait régulièrement, dès son plus jeune âge, au Houston Livestock Show, un immense événement mêlant rodéo, salon de l’agriculture, concerts et barbecues. Elle évoque souvent dans ses interviews ses souvenirs liés à la country et à la culture du Sud qui ont accompagné sa construction artistique et personnelle.
Un spectacle engagé ?
Et l’incroyable version scénique de Cowboy Carter ne dit pas autre chose. Elle sur un taureau mécanique, devant un drapeau américain déchiré. Un morceau au violon puis de la danse hip-hop. Les morceaux de son dernier opus puis un medley (loin d’être exhaustif) de ses plus grands tubes.
L’extraordinaire mise en scène sur Daughter en est l’illustration parfaite. Seule en scène, dans une robe numérique qui change de motifs et de couleurs et au milieu de sa propre projection, géante sur les écrans géants, Beyoncé livre une prestation vocale sublime, mêle la ballade folk et le genre country très spécifique de la « murder ballad », une partie opératique (en reprenant un extrait de l’air italien du XVIIIe siècle Caro Mio Ben et sample également une œuvre du compositeur guadeloupéen Joseph Bologne de Saint-George). Dans cette atmosphère dramatique, le public est en apnée. Et la diva inégalable.
Le Cowboy Carter Tour célèbre avant tout Beyoncé, l’artiste. Mais aussi la femme engagée. Celle dont certains regrettent qu’elle ne se soit pas plus exprimée sur l’élection de Donald Trump et maintenant sur les conséquences de sa politique. Alors le spectacle tourne à l’égo ? Oui. Un peu. Forcément. Mais elle rend aussi hommage à « tous les “black birds" qui se sont battus ». Et finit la soirée en faisant entrer une immense statue de la Liberté qui tient un cigare et porte un bandana, le poing levé dans une posture d’émancipation et de défi. Alors que les lumières se rallument, le public quitte le Stade avec cette vue, celle d’une Amérique brillante et impertinente qui continue à être elle-même. Sans prononcer une seule fois le nom du locataire de la Maison Blanche.
Influenceuse country
2h45 d’un show ambitieux, inventif, varié, trop varié même aux goût de certains qui auraient voulu qu’elles tiennent son fil conducteur americana. Mais le concert est pensé comme un acte de « reclaiming » : Beyoncé revisite l’histoire états-unienne et la country sous l’angle afro-américain, dénonçant l’exclusion et l’effacement des artistes noirs dans ce genre. Et les images puissantes (duel face à un cow-boy blanc, messages sur la « reconquête de l’Amérique ») ponctuent le spectacle, qui devient un manifeste pour la diversité et la mémoire.
Certains regrettent des temps morts, des temps faibles et un rythme cassé par ces multiples vidéos. Mais la richesse du spectacle réside au contraire là, dans ce que Beyoncé en tant qu’icône incarne désormais. La voix de l’Amérique. Elle qui a influé sur la mode et fait revenir le style country sur le devant de la scène. Il fallait voir les milliers de Stetsons, de paires de Santiags ou même de chaps, ces jambières en cuir que les apprentis vachers du Stade de France arboraient fièrement. La tournée continue et s’achèvera fin juillet à Atlanta. 32 dates qui rassembleront plusieurs millions de spectateurs et installeront encore un peu plus Queen B sur son trône. Et introniseront peut-être un nouveau surnom pour elle : President B.