Gatsby avait-il prévu l'Amérique de Trump ?
Au programme cette semaine : un chef-d’œuvre littéraire, des adaptations en pagaille et la plateforme de streaming des patriotes. Côte à côte, épisode 10
Pas de côté
“Donald le Magnifique”, la fin des illusions
Alors que le roman Gatsby le Magnifique fête ses cent ans, beaucoup voient des ressemblances entre Donald Trump et le milliardaire fantasque de F. Scott Fitzgerald. Et entre les années 1920 et la décennie 2020. Qu’en est-il ?
« C’est ainsi que nous nous débattons, comme des barques contre le courant, sans cesse repoussés vers le passé »
Voici sans doute le plus bel excipit de la littérature américaine. Un petit bijou signé Francis Scott Fitzgerald à la toute fin de Gatsby le Magnifique.
L’œuvre fête ce mois-ci ses cent ans. Cent ans d’une histoire mouvementée. Fort du succès critique de son premier roman et public de son second, Fitzgerald nourrit de très grandes ambitions pour son nouveau projet :
« Je veux écrire quelque chose de nouveau, quelque chose d’extraordinaire et de beau et de simple et de motifs complexes ».
Assumant s’inscrire dans les pas et la plume des plus grands, James Joyce et son Ulysse, T.S. Eliot et La Terre Gaste, Fitzgerald ne voulait rien moins que publier « le meilleur roman qui n’ait jamais été écrit en Amérique ». Mais la critique l’étrille :
« Raté » ; « Un peu facile, un peu mou, plus qu’un peu artificiel, Gatsby le Magnifique fait partie des romans négligeables » ; « Cette histoire est manifestement sans importance » ; « C’est un roman inférieur, quel que soit l’angle sous lequel on l’aborde. Faible par son thème, ses portraits et même son expression ».
Un improbable succès militaire
Il est pourtant tout l’inverse. Peut-être un peu trop moderne pour 1925 avec son récit fragmenté, ses personnages complexes, sa symbolique parfois absconse, le livre ne trouve pas non plus son public. Il faut attendre bizarrement la Seconde guerre mondiale pour que l’histoire séduise les Américains. Le livret est alors ajouté aux paquetages des soldats envoyés sur le front : parce qu’il est court et donc pas très lourd. 155 000 exemplaires en tout. Les choses s’enchaînent vite.
Au sortir de la Guerre, le livre fait son entrée dans les programmes scolaires, plébiscité par les élèves pour son histoire, ses personnages hauts en couleurs, sa prose riche, sa critique sociale et toujours sa brièveté. L’œuvre est encore au programme de la moitié des établissements secondaires du pays. Elle s’est écoulée à plus de 30 millions d’exemplaires depuis sa sortie et il s’en vend chaque année encore plus de 500 000. Francis Scott Fitzgerald n’en saura jamais rien. Il est mort, triste et dépressif à 44 ans en 1940, persuadé d’avoir échoué sur ce projet.
Dans le tourbillon doré des années 1920, entre New York et la luxueuse Gold Coast, le mystérieux millionnaire Jay Gatsby consacre sa fortune et ses soirées fastueuses à reconquérir Daisy Buchanan, la femme qu’il aime en secret et qui est mariée à un autre. Mais entre mensonges, jalousies et barrières sociales, son rêve s’effrite, emporté par la superficialité et l’indifférence d’une société insouciante.
Le sens de la démesure
Si ce livre brillant, dans son récit comme dans son style, compte encore aujourd’hui, c’est parce que sa force est aussi d’éclairer notre monde actuel à la lumière des projecteurs qui brillent dans les soirées de Jay Gatsby. Le courant présent ne cesse de nous repousser vers cette œuvre majuscule. La critique et romancière Edith Wharton est l’une des rares à s’en rendre compte dès sa sortie : pour elle, c’est un « bond audacieux vers l’avenir ». Elle saisit alors toute la modernité du roman, le fait qu’il s’inscrive en rupture avec le paysage social et littéraire traditionaliste de l’époque. Car cette histoire d’amour et d’idéal, de nostalgie et de classe sociale, résonne encore aujourd’hui.
Le roman se situe dans les Années Folles, les « années rugissantes » si on traduit littéralement l’expression américaine (Roaring Twenties). C’est, entre autres, à cette époque que Donald Trump veut revenir, quand il évoque un nouvel âge d’or des États-Unis, un retour à une Amérique libre, prospère et un capitalisme sans frein. C’est cela, dans son esprit, « rendre sa grandeur à l’Amérique », un pays fantasmé, la nostalgie de ce qui n’a jamais existé. Un point commun qu’il partage avec Gatsby : « On ne peut pas répéter le passé ? s’écria-t-il, incrédule. Mais bien sûr qu’on peut ! » Une phrase que Trump aurait pu assumer. Mais pas Fitzgerald qui, par la voix de son narrateur, semble en opposition avec son héros :
« Gatsby croyait au feu vert, au futur orgasmique qui, année après année, recule devant nous. Il nous a échappé alors, mais ce n’est rien – demain, nous courrons plus vite, nos bras s’étendront plus loin… Et un beau matin… »
Car les ressemblances entre le personnage de fiction et Donald Trump sont légion. D’abord, tous deux sont sortis de leur cadre, devenus des icônes, pour le pire ou le meilleur.
D’un point de vue du caractère, les deux hommes sont dans la démesure permanente, à la recherche de la lumière, attirés par le luxe et tout ce qui brille. La villa de Gatsby, « une maison aux dimensions colossales » avec « une piscine de marbre et plus de quarante acres de pelouses et de jardins », n’est pas sans rappeler le palais ostentatoire de Donald Trump au bord de l’océan, en Floride. Tous deux sont superficiels et vont jusqu’à partager cette passion pour le bronzage permanent (ou le maquillage orange, c’est selon).
Trump, l’outsider du Queens ?
Surtout, ils ont un grand besoin d’amour et de reconnaissance. Deux nouveaux riches qui cherchent à se faire accepter d’une élite qui les regarde avec mépris. En cela, les célèbres fêtes de Gatsby sont un message au monde, une ode à son organisateur, un abandon aussi ; comme les meetings de Trump ou ses soirées de Mar-a-Lago (Mal-a-L’égo ?) sont des cérémonies de culte à sa personnalité.
L’origine de la fortune de Gatsby reste énigmatique, on devine seulement ses liens avec la pègre ou les contrebandiers, probablement un profiteur de la Prohibition. Chez Donald Trump aussi, l’argent possède un côté sulfureux : les faillites, les fraudes, les condamnations, les mauvaises fréquentations. Le roman décrit Gatsby comme « Monsieur Personne de Nulle Part ». Difficile d’affirmer que Donald Trump est parti de rien, son père déjà dans l’immobilier lui ayant légué l’équivalent actuel de 413 millions de dollars de son vivant et 5 millions à sa mort. Pourtant, Trump s’est toujours lui aussi vécu comme un outsider, un enfant du Queens qui rêvait de conquérir Manhattan. Plus fort encore, c’est comme ça que ses partisans les plus zélés le voient : presque comme un des leurs, désavantagé par le système et qui leur ressemble, prêt à détruire les élites intellectuelles, politiques et économiques du pays (le fameux « je vais curer le marigot » en parlant de la capitale fédérale).
Il faut dire que les deux hommes savent charmer. Gatsby fascine son gentil voisin, Nick Carraway, le narrateur, avec son charisme, son mystère, son optimisme invétéré et sa foi inébranlable en lui-même et en son argent :
« C’était un de ces sourires rares, doués d’une qualité d’assurance éternelle, qu’on ne rencontre peut-être que quatre ou cinq fois dans une vie (…) Il vous comprenait dans la mesure même où vous désiriez être compris, croyait en vous comme vous auriez voulu croire en vous-même, et vous assurait qu’il avait précisément de vous l’impression que, dans vos meilleurs moments, vous espériez produire. »

Car malgré tous ses défauts, Gatsby est considéré comme un personnage sympathique, par ceux qui le côtoient et surtout par le lecteur. Il est devenu synonyme de fêtard plus que de Rastignac ou de Gordon Gekko (le héros de Wall Street d’Oliver Stone). Donald Trump, lui aussi, conserve une opinion très favorable dans une partie de l’Amérique. Tout est résumé dans cette phrase de Nick Carraway évoquant la complexité de son voisin : « Gatsby, qui représentait tout ce que je méprise sincèrement (…) il y avait chez lui une sensibilité particulière aux promesses de la vie ».
Trump, plus proche d’un autre personnage
L’un des personnages les plus discrets mais les importants du roman, c’est le rêve américain. Après le choc de la Première guerre mondiale, les États-Unis voient leur économie se développer, leur rôle dans le concert des nations s’affirmer. Mais les inégalités commencent aussi à se creuser, une classe de nouveaux riches fait son apparition et avec elle, cette idée que n’importe qui de volontaire et travailleur peut s’enrichir dans ce pays. Illusion ou réalité ? C’est ce qu’incarne Jay Gatsby, sans nuances, sans souci de la vérité ou de la légalité. Cette vie que Fitzgerald a connue après ses premiers succès littéraires. Et que Donald Trump symbolise aujourd’hui, aux yeux de beaucoup.
Mais Gatsby et Trump, c’est la face sombre de l’American dream, nourri de haine et de revanche, d’égo et d’intérêts personnels. La fin de l’histoire est terrible pour Gatsby. Malgré tout son charme, son argent et l’opulence de ses fêtes, il comprend qu’il ne sera jamais accepté par la bonne société. Fitzgerald écrit : « un prix bien lourd à payer pour avoir trop longtemps vécu avec un seul rêve ». Certains spécialistes de l’exégèse vont jusqu’à ce parallèle avec le Président américain :
« Gatsby ne pourra jamais vraiment abattre les murs de la classe sociale et des privilèges qu’il essaie de faire tomber. Je crains que Trump ne subisse finalement le même sort, que son histoire ne se termine elle aussi tragiquement. »
Mais peut-être plus qu’avec Gatsby, Donald Trump partage de nombreux points communs avec sa Némésis : Tom Buchanan. Comme ce dernier, Trump est un héritier adultérin, sans scrupules, égotique et protégé par sa fortune et son pouvoir. Buchanan dénonce sans cesse le déclin de la civilisation quand Trump explique à Varsovie, en 2017 : « Avons-nous le désir et le courage de préserver notre civilisation face à ceux qui voudraient la subvertir et la détruire ? ».
Les hommes alpha, les femmes au foyer et les migrants
Tom prône la supériorité de ce qu’il appelle la « race nordique » dans des lignes que Fitzgerald a volontairement souhaité fortes : « C’est à nous, qui sommes la race dominante, de faire attention : sinon, les autres races prendront le dessus (…) Il y a des gens de couleur qui déferlent dans le pays, remarqua-t-il avec inquiétude, venant rejoindre ceux qui sont ici depuis un peu plus longtemps, comme des esclaves. » Donald Trump, lui, a accepté le soutien de certains suprémacistes blancs, les a mêmes mis en avant sur ses réseaux sociaux et a refusé de les condamner (avant de s’y plier parfois sous la pression).
Tom Buchanan a une image rétrograde de la place des femmes dans la société. L’idée nouvelle que des femmes, dans les années 1920, boivent, dansent, s’amusent sans honte, travaillent et parlent librement le laisse pantois. Là encore, comparaison tentante pour les éditorialistes :
« L’administration actuelle et ses partisans semblent partager des craintes similaires à l’égard des femmes et des minorités, ainsi qu’une hostilité croissante envers les juges, les bureaucrates et les universitaires accusés de favoriser l’ascension des usurpateurs. Les nouveaux maîtres de Washington cherchent à revenir au capitalisme débridé des années 1920, avant que le New Deal et d’autres mouvements de réforme ne l’assagissent. Les partisans de Trump regrettent un passé idéalisé, antérieur à la chute, où le marché était libre, les hommes étaient des hommes et les femmes connaissaient leur place »
Plus dure encore la comparaison du journal The Atlantic :
« Tom — l’homme de Yale, la star du football, celui qui dépense de l’argent ancien, le descendant de ce qu’il appelle la race nordique — incarne le sommet du statut social à son époque. Trump — qui a fait la couverture de Playboy, milliardaire star, homme le plus puissant d’Amérique — fait de même pour la sienne. Et leurs traits de personnalité communs sont le produit de leur rapport au pouvoir »

Mais l’analogie la plus reprise, c’est celle-ci. Quand Nick Carraway décrit Tom Buchanan et sa femme Daisy, vers la fin du récit :
« C’étaient des gens sans cœur, Tom et Daisy — ils brisaient les êtres et les choses, puis se réfugiaient derrière leur argent ou leur immense insouciance, ou quoi que ce fût qui les tenait ensemble, et laissaient d’autres personnes réparer les dégâts qu’ils avaient faits. »
Des gens qui ne soucient de rien ni de personne. « Des gens pourris », écrit même l’auteur un peu plus loin. Careless People, c’est justement le titre choisi pour son livre par une lanceuse d’alerte du groupe Meta de Mark Zuckerberg pour décrire ses années chez Facebook. C’est aussi comme cela que Donald Trump et ses acolytes ont été qualifiés, après la gestion calamiteuse de la pandémie de Covid19 ou après le lancement de la guerre des droits de douane qui vont toucher directement au porte-monnaie les moins aisés des Américains. Certains vont encore plus loin : le couple Buchanan, c’est Trump et Musk qui détruisent tout le service public états-unien, sans arrière-pensées ni remords.
Gatbsy le Magnifique, l’un des plus grands romans de la littérature américaine, n’a peut-être jamais été autant d’actualité, depuis sa sortie. Il ne manquerait que des téléphones portables pour suivre en direct les excès de ces personnages. Ce chef-d’œuvre, maintes fois adapté en pièces de théâtre, en opéras, en films, en bandes dessinées… ne cesse de se repousser vers son propre passé, lui qui s’est longtemps débattu, comme une barque contre le courant littéraire.
Côté court
Truth+, la plateforme de streaming signée Donald Trump
Vous pouvez désormais regarder « une offre TV familiale pour des Américains patriotes qui veulent une alternative aux médias woke et aux chaînes info biaisées ». Voici les mots du communiqué de presse signé Trump Media and Technology Group Corp (TMTG).
Truth+ est une plateforme de streaming, désormais disponible sur de nombreuses applications (Roku, Apple TV, Android TV, Amazon Fire TV…) et sur son propre site. Elle tire son nom du réseau social créé par Donald Trump et ses équipes quand il a été expulsé de Twitter et de Facebook, en janvier 2021, juste après l’invasion du Capitole par ses partisans.
« Truth+ est la seule option pour une télé et des films qui ne soient pas woke et une formidable alternative à ces grands médias qui ont perdu toute crédibilité en même temps que la confiance du peuple américain », d’après Devin Nunes, patron de TMTG.
La principale force que laquelle compte s’appuyer ce nouveau média ? Les chaînes info. Mais pas n’importe lesquelles : OAN, Real America’s Voice, RSBN ou encore Newsmax. Des chaînes ultraconservatrices, plus royalistes que le roi et bien plus même que Fox News et qui à longueur de journée louent Donald Trump et sa politique sans jamais la moindre contradiction.
Le reste ? Des documentaires à la gloire d’Elon Musk, des reportages sur les Illuminati, les émissions de podcasteurs d’extrême droite comme Charlie Kirk, des histoires de l’armée américaine, des films, téléfilms et séries inconnus au bataillon. Et quelques incongruités comme la chaîne Euronews.
Pour faire connaître cette plateforme, la trumposphère s’appuie sur les chaînes d’info citées plus haut, ses propres réseaux et les fichiers des élections. C’est ainsi que j’ai reçu 4 messages m’annonçant le lancement de Truth+, comme je recevais les dates des nouveaux meetings pendant la campagne (oui j’étais sur leurs listes pour des raisons professionnelles, voyons).
Cette nouvelle offre a-t-elle une chance de s’imposer sur un marché déjà ultra saturé ? Difficile à dire, même si la plupart du contenu est en accès gratuit et qu’il suffit d’un compte Truth Social pour y avoir accès (j’en ai un, pour des raisons professionnelles toujours, bien sûr). À moins que, encore une fois, le public trumpiste se sentant valorisé, ne s’abonne en masse (voir notre précédente lettre « Donald Trump, fils de pub »).
Mais l’univers Truth n’est pas un grand succès. Le réseau social communique peu sur ses chiffres mais il y aurait 8 millions d’inscrits environ et seulement un million d’utilisateurs actifs chaque mois aux États-Unis.
L’entreprise est très déficitaire. En 2024, TMTG a enregistré une perte nette de plus de 400 millions de dollars, alors que son chiffre d'affaires annuel a chuté de 12 % pour atteindre seulement 3,6 millions de dollars. Cette perte massive s'explique en partie par d'importantes charges non monétaires liées à la rémunération en actions et à des changements de la valeur de certains instruments financiers. Malgré ces résultats, la société dispose d'une trésorerie et d'investissements à court terme importants, estimés à environ 777 millions de dollars à la fin de 2024. Sa valorisation boursière reste élevée, autour de 6 à 7 milliards de dollars, bien que cela ne reflète pas sa rentabilité réelle.
Bref malgré un déficit élevé, des pertes massives et des revenus faibles, Truth Social bénéficie encore d'une importante réserve de liquidités et d'une valorisation boursière élevée, déconnectée de ses performances financières réelles. Le lancement de cette plateforme audiovisuelle peut-il y changer quelque chose ? Difficile à dire, à moins que Donald Trump ne fasse comme avec Tesla et ne se transforme en VRP de sa propre marque depuis la Maison Blanche.
Côté art
Le magnifique Gatsby n’est pas celui que vous croyez
L’œuvre de F. Scott Fitzgerald a fait l’objet de quatre adaptations cinématographiques. Et bientôt cinq avec une version animée en cours de préparation.
Le roman fut porté à l’écran dès 1926 mais le long-métrage réalisé par Herbert Brenon n’a pas rencontré le succès ni l’approbation de l’auteur : il avait quitté l’avant-première au milieu de la séance. Film aujourd’hui disparu, il n’en reste qu’une seule bande-annonce (« comment perdre un film » sera probablement l’objet d’un futur tuto).
La Paramount, toujours en possession des droits du livre, lança un nouveau projet Gatsby en 1949. Peu ambitieuse, avec une production compliquée, cette nouvelle adaptation est encore un échec, commercial et public. Le livre n’avait pas encore atteint son statut de grande œuvre populaire.
Le plus grand succès cinématographique de Gatsby, c’est, sans conteste, la fresque signée Baz Luhrmann avec Leonardo DiCaprio en 2013. Des critiques mitigées mais 353 millions de dollars engrangés.
Sous ses élans emphatiques, Gatsby de Baz Luhrmann semble plus écraser que révéler la délicatesse tragique de Fitzgerald. Reste Leonardo DiCaprio, fiévreux et mystérieux, qui sauve le film de l'asphyxie. À défaut d’un grand Gatsby, on y trouve un grand acteur.
Quitte à choisir, nous vous conseillerons plutôt la moins flamboyante version de 1974, réalisée par Jack Clayton. Écrit par rien moins que Francis Ford Coppola, le film est porté par une formidable distribution : Robert Redford, impeccable en milliardaire flegmatique et charismatique, Mia Farrow, Karen Black ou Bruce Dern. Ce film rend un peu mieux la nuance du roman, cette dichotomie entre l’outrance des fêtes et les quêtes de chaque personnage. Mais il s’attarde sans doute trop sur l’histoire d’amour entre Gatsby et Daisy, délaissant le point central du récit, la satire sociale. Il manque aussi ce grain de folie qui fait de Gatsby l’un des héros littéraires les plus fascinants du XXe siècle.
Il existe également un (mauvais) téléfilm de 2000 avec Toby Stephens dans le rôle titre, Mira Sorvino et Paul Rudd. Le défi reste donc à relever : qui pour transposer Gatsby le Magnifique au grand écran avec talent ? Peut-être William Joyce, le créateur de Toy Story, qui sera à la manœuvre pour l’adaptation animée ? Car pour le New York Times, l’une des meilleures appropriations du thème, c’est celle de… Snoopy. Dans une série de planches de 1998, le chien, avec un nœud papillon pour l’occasion, dépeint Gatsby « comme le héros d’un film art et essai européen » :
« Cette version ne souligne pas tant le brouhaha de l’Ère du Jazz que le malaise et l’anxiété qui caractérisent Gatsby dans la seconde moitié du XXe siècle. Snoopy projette un romantisme distant qui était l’un des grands héritages de Fitzgerald. Et comme Gatsby, il est un penseur de la culture populaire à l’heure de l’incertitude ».
Et comme chaque semaine, retrouvez la version audio de cette lettre dans notre partie payante ci-dessous et un texte. Bonne semaine à tous !
Continuez votre lecture avec un essai gratuit de 7 jours
Abonnez-vous à Côte à Côte pour continuer à lire ce post et obtenir 7 jours d'accès gratuit aux archives complètes des posts.