Bienvenue sur Côte à côte, la newsletter d’Axel Monnier et de Jacky Goldberg, deux journalistes français qui, de Washington à Los Angeles — et tout ce qui se trouve entre les deux — décryptent l’actualité américaine à travers le prisme de la culture. La culture au sens large : pas seulement l'art et les événements culturels, mais l'air du temps, le tissu invisible qui façonne cette nation dans laquelle nous vivons tous les deux depuis longtemps et dont nous aimons raconter les secousses. Secousses qui se sont, cela ne vous aura certainement pas échappé, un tant soit peu intensifiées depuis un mois…
Submergés, comme tout le monde, par le flot de nouvelles plus insensées les unes que les autres depuis le 20 janvier, nous nous sommes dit, qu’en tant que journalistes, nous avions le devoir de tenter d’y voir clair, de tracer des lignes, de dégager des tendances et de raconter des choses qui seraient passées sous vos radars déjà saturés.
En somme, nous voulions un endroit où partager ce qu'on voit et ce qu'on vit, à notre façon et à notre rythme — a priori une fois par semaine, peut-être un peu plus, peut-être un peu moins, en fonction de notre temps libre, mais régulièrement en tout cas —, à un cercle un peu plus large que celui de nos amis. Et ce lieu c’est Côte à côte, dont vous êtes, si vous lisez cette lettre, les premiers abonnés. Merci !
Pour cette première, vous avez double ration parce que nous avons chacun écrit un texte. Enfin, parce que c’est une chose que nous adorons faire avec nos amis, chaque lettre se termine par une ou plusieurs recommandations culturelles (chanson, film, livre, œuvre d’art…) en lien avec le sujet traité.
Bonne lecture et si vous avez des suggestions pour les prochaines, n’hésitez pas à nous en faire part.
L’apathie des celebrities
Tendez l’oreille. Vous l’entendez, vous aussi, ce silence qui émane du monde de la culture américaine depuis l’élection de Trump en novembre ? Durant les trois mois de transition, on pouvait encore lui trouver des excuses, à ce « monde de la culture » — une expression peu usitée de ce côté-ci de l’Atlantique et qu’il faut faire traduire à Google par le terme « celebrities » pour avoir quelques réponses de la part du moteur de recherche. On pouvait encore plaider l’incrédulité. La stupeur. La tentation de ne pas paraître arrogant. L’espoir que les institutions tiendraient bon…
Mais depuis l’inauguration, le 20 janvier, depuis que Trump a véritablement pris le pouvoir et s’est engagé dans ce qu’il convient d’appeler un « coup d’État » — où sont les artistes ? Où sont les voix dissidentes ? Pourquoi tout le monde, ou presque, se tait face à l’événement le plus grave affectant les États-Unis depuis la guerre de Sécession ? L’historien américain Timothy Snyder, spécialiste de l’Europe de l’Est, et qui a beaucoup écrit sur l’autoritarisme (et dont je recommande le Substack) explique dans son essai Sur la tyrannie (2017, traduit et publié chez Gallimard) que la règle numéro 1 pour ne pas sombrer dans la dictature est de ne pas obéir à l’avance.
Les premiers ferments d’une résistance culturelle
En 2017, aussitôt après l’investiture de Trump, ce « monde de la culture » s’était levé comme un seul homme — ou plutôt comme une seule femme, serait-il plus juste de dire — à la Women’s March, au milieu de millions de manifestantes à travers le pays. Madonna, Scarlett Johansson, America Ferrera, Janelle Monáe et autres figures du show-biz avaient affiché leur colère sans détour.
Dans les semaines qui suivirent, les Grammy Awards, les Golden Globes, les Oscars et autres cérémonies prestigieuses s’étaient transformés en arènes politiques, où s’étaient mêlés les germes du mouvement #MeToo (à l’automne 2017) et les premiers ferments d’une résistance culturelle. Ce sursaut collectif, ce refus de la normalisation de Trump allait, quatre ans plus tard, contribuer à son humiliation électorale — avec, certes, l’aide fortuite d’un certain virus mondial, sans lequel il aurait peut-être été réélu, on ne le saura jamais.
Bien sûr, il est facile de moquer les célébrités, supposément élitistes, arrogantes, hors-sol, voire contre-productives électoralement (ce qui est contesté par certaines études). Et pourtant, à ce moment précis, elles avaient rempli un rôle fondamental : celui de capter, de refléter, d’amplifier l’indignation populaire. Elles étaient devenues, l’espace d’un mandat, les porte-voix d’une Amérique — encore largement majoritaire — inquiète de basculer dans une ère d’obscurantisme. En disant « non », elles n’empêchèrent certes pas le culte autour de Trump de grossir, mais elles participèrent à l’érection d’un cordon sanitaire, qui n’a cessé depuis de s’effilocher.
Quelques voix osent encore s’élever
Le contraste avec 2025 est abyssal. Beyoncé, Taylor Swift ou Jennifer Lopez, qui ont pourtant soutenu Kamala Harris avec ferveur, se murent aujourd’hui dans le silence. Rien sur les attaques contre les droits des personnes transgenres. Rien sur la remise en cause du droit du sol. Même Lady Gaga, autrefois si prompte à s’enflammer est aujourd’hui plus feutrée. Lors d’une interview donnée au Elle UK juste après la victoire de Trump, elle a affirmé son empathie envers « ceux qui ont peur » et promis qu’« un combat » sera mené. On l’espère. Mais les artistes semblent eux aussi avoir peur, paralysés par la peur des représailles, économiques autant que politiques.
Quelques voix osent encore s’élever, mais à quel prix ? Selena Gomez, par exemple, a brièvement publié fin janvier une vidéo sur Instagram (où elle est une des personnalités les plus suivies), en réaction aux rafles visant les migrants. En larmes, elle exprimait sa détresse : « Mon peuple est attaqué. Les enfants. Je ne comprends pas. » La vidéo, accompagnée d’un drapeau mexicain et d’un simple « I’m sorry », a vite été supprimée face aux attaques immédiates du camp républicain, certains allant jusqu’à demander sa déportation (alors qu’elle est née aux États-Unis). Effrayée par ce déferlement de haine, Gomez s’est depuis retirée du débat public, en pleine promotion d’Emilia Perez.
On pourrait tout de même citer Robert De Niro, qui menaçait en 2016 de « coller un pain à Trump », et qui cette semaine, en pleine tournée promotionnelle de la série Netflix Zero Day, en a profité pour décocher quelques flèches bien senties à l’occupant de la Maison Blanche. Ou encore Madonna, elle aussi constante dans sa détestation du personnage, qui l’a accusé de se comporter comme un roi dans un pays ayant brisé cette tradition il y a bien longtemps. Des attaques bienvenues, mais émanant — et je le dis avec tout le respect du monde — de stars qui ne sont plus dans leur prime jeunesse et n’ont plus grand chose à perdre.
Le SNL harcelé par les conservateurs
Fer de lance de la satire politique américaine sur la chaîne NBC, le Saturday Night Live (SNL), avait lancé les hostilités avec audace dès les premières heures du retour de Trump en novembre. Juste après l’élection, le 9 novembre, l’ensemble du cast avait livré un sketch d’une ironie mordante, feignant d’avoir toujours été aux côtés du nouveau président (alors qu’ils ont ouvertement soutenu Kamala Harris durant la campagne) pour mieux railler ses tendances autoritaires.
Mais lors du 50e anniversaire de l’émission, le 15 février : rideau. Alors qu’Alec Baldwin, Will Ferrell, Tina Fey, Maya Rudolph ou encore Amy Poehler étaient présents, aucune allusion aux locataires passés ou présents de la Maison Blanche, aucune satire politique ne vint troubler l’hommage. Comme si l’ombre de potentielles représailles réglementaires — notamment des menaces de la FCC (l’ARCOM américaine, en gros) de supprimer certaines licences de diffusion au network NBC — avait refroidi l’audace du programme.
Seul Tom Hanks a tenté de raviver l’esprit frondeur du show : dans un sketch de « Black Jeopardy », il a repris son personnage de Doug, un fervent supporter de Trump affublé de la fameuse casquette rouge MAGA. Une parodie plutôt inoffensive, qui ne choquait personne il y a encore huit ans. Mais cette fois-ci, la réponse ne s’est pas fait attendre : un backlash violent s’est abattu sur lui, nourri par les cercles conservateurs. Les mêmes qui n’ont cessé, ces huit dernières années de critiquer la soi-disant « cancel culture » et de prôner un humour « libre ». Deux poids deux mesures, comme le souligne cette journaliste de CNN. Même des voix démocrates comme Joy Behar, dans l’émission matinale de ABC The View, a jugé le sketch « stigmatisant ». Désespérant de couardise.
Occasions manquées aux Grammy et au Super Bowl
Dans cette même émission — où cohabitent des voix de centre gauche et de centre droit, et qui donne ainsi le pouls de l’Amérique non-trumpiste —, Whoopi Goldberg a, elle, choisi une forme de résistance des plus discrètes (et inefficaces). La chroniqueuse (depuis 2005) refuse de dire « President Trump » à l’antenne. Ce serait lui faire trop d’honneur, a-t-elle affirmé. De façon similaire, lors des Grammy Awards le 2 février, pas une star n’a nommé Trump, même si les discours effleuraient des sujets brûlants : droits des transgenres, immigration, lutte contre le démantèlement des politiques de « diversité, équité, immigration » — les fameuses DEI devenues la cible privilégiée des républicains au pouvoir. On imagine que Donald Voldemort en tremble de peur du fin fond de sa West Wing.
Un mot également sur le cas complexe de Kendrick Lamar qui a, lui, opté pour une approche ouvertement cryptique lors de son show de mi-temps du Super Bowl. Sa performance, saluée par la communauté afro-américaine, regorgeait de références culturelles et d’allusions politiques voilées, intelligibles seulement pour ceux capables de lire entre les lignes. Les commentateurs conservateurs y ont vu, pour leur part, une provocation, s’empressant de critiquer le rappeur de Compton avec un racisme pavlovien (« Not like us », doivent-ils se dire), continuant à dénier au hip-hop sa légitimité en tant que forme d’art, et prouvant ainsi la pertinence de sa présence dans un tel événement.
Mais dans une telle vitrine mondiale, et alors que Trump lui-même assistait au spectacle, on pouvait attendre de Lamar un geste plus frontal, une déclaration « in your face » qui aurait dépassé le cercle des initiés. La démocratie américaine est en flammes, c’était le moment de frapper fort. Par exemple, plutôt que de reformer le drapeau américain avec des hommes noirs — un geste fort mais attendu, qui aurait eu toute sa place en 2017 ou 18 — imaginer cette scène avec des femmes ou des personnes trans aurait été courageux.
Un acte de bravoure aux Oscars ?
Enfin, il sera intéressant de voir ce qui se passe aux Oscars, le 2 mars. À l’approche de la cérémonie, quelques rares personnalités ont osé prendre la parole, comme Judd Apatow lors des DGA Awards (les récompenses du syndicat des réalisateurs), qui n’a pas hésité à railler Elon Musk, après que ce dernier a publié un mème utilisant une image de Step Brothers pour se comparer à Jeff Bezos. Apatow, acerbe, a répondu : « Il n’a pas compris le sens du film. C’est à propos de deux parfaits crétins. » Poussant la satire, il a imaginé un vol spatial rassemblant Musk, Bezos, et Thiel, dont on aimerait bien qu’ils s’établissent sur Mars et y restent…
Mais malgré ces éclairs d’irrévérence vus par à peu près personne, il est peu probable que la cérémonie des Oscars soit véritablement politique cette année. La peur, de fait, règne. Les studios redoutent des représailles (ce sera l’objet d’un prochain billet), les artistes se méfient d’un backlash immédiat. Seuls les films en compétition constituent une réponse tacite à l’intolérance croissante qui s’abat sur les États-Unis : Emilia Perez, centré sur une personne transgenre ; Anora, explorant la vie d’une travailleuse du sexe ; The Brutalist, chronique d’un immigré confronté à la violence d’un milliardaire ; ou encore Wicked, fable sur une sorcière défiant des charlatans racistes…
Pour finir, comment ne pas mentionner The Apprentice, qui dissèque la brutalité et le cynisme de Trump à travers son ascension impitoyable. Récompenser un de ses deux acteurs principaux, Sebastian Stan ou Jeremy Strong, serait un acte de bravoure pour l’Académie, un défi lancé à l’atmosphère de peur et d’autocensure qui plane sur Hollywood. Hélas, aucun des deux ne part favori dans sa catégorie.
Donald Trump, Président des États-Unis et patron de salle de spectacle
Donald Trump vient d’être élu Président. Oui, encore. Président du Kennedy Center cette fois.
Pour ce faire, il a renvoyé 18 membres du conseil d’administration, les a remplacés par des proches (sa cheffe de cabinet, la femme de son vice-président ou un conseiller politique). Jamais un Président américain n’avait agi de la sorte ni ne s’était fait nommer à la tête de cette institution culturelle.
De son vrai nom The John F. Kennedy Center for the Performing Arts, le site se définit comme le « centre culturel national » et un « mémorial vivant en hommage au Président Kennedy ». Inauguré en décembre 1964, il devient très vite un temple de la culture états-unienne où se jouent plus de 2 200 spectacles par an, parfois gratuits et dans de nombreux genres. Et qui attire plus de 2 millions de spectateurs chaque année dans ses 8 salles de spectacle.
Avec un budget annuel de 268 millions de dollars, le Kennedy Center est principalement financé par ses propres revenus (125 millions en billetterie, vente de produits dérivés) et par des dons (95 millions). L’endroit ne reçoit “que” 45 millions d’argent public, venus de l’État fédéral et quasi exclusivement pour l’entretien du lieu et les salaires, soit 17% de son budget.
Mais pour une fois, il n’est pas question d’argent pour Donald Trump : « Nous n’aimions pas les spectacles qui y étaient donnés. On va améliorer tout ça et ce ne sera pas woke ». « Certains spectacles sont horribles. C’est une honte qu’ils soient programmés. Je ne voulais pas y aller car il n’y avait rien que j’avais envie de voir. »
Pour appuyer ses propos, Donald Trump cite uniquement des spectacles de drag queens : « Ils s’attaquent à notre jeunesse. CELA DOIT CESSER ». Qui ne représentent pourtant qu’une infime minorité des 2 200 performances proposées par le Centre chaque année.
Personnellement, je me rends souvent dans cette bâtisse monumentale, située au bord du Potomac, avec sa vue imprenable sur le quartier de Georgetown et ses salles à l’acoustique exceptionnelle. J’ai pu y voir pêle-mêle Ibrahim Maalouf, le ballet Alvin Ailey, la chanteuse folk Paula Cole, Casse-Noisettes dans une version ultra classique, du rap amérindien, des claquettes…
« Que va devenir cet endroit ? »
C’est bien plus que Donald Trump qui, lui… ne s’y est jamais rendu. Lors de son premier mandat, la chose culturelle l’intéressait peu, il n’avait alors que mépris pour cette salle, estampillée, selon lui, « démocrate ». Il était même devenu le premier président en exercice à ne pas se rendre aux Kennedy Center Honors, une cérémonie annuelle qui célèbre de grands noms de l’art. Entre 2017 et 2021, des personnalités aussi diverses que Cher, Debbie Allen, Wayne Shorter ou Sally Field avaient été distinguées. Jusqu’alors, tous les Présidents, y compris Républicains, avaient fait le déplacement.
Quel est donc le but de la manœuvre ? Les plus optimistes pensent que Donald Trump finira par laisser les spécialistes s’occuper de ce qu’ils savent faire, trop accaparé par son autre travail, à quelques centaines de mètres de là, à la Maison Blanche.
Mais la majorité se montre bien plus inquiète. Une salariée de l’établissement que j’ai rencontrée cette semaine m’a carrément parlé de « purge » : « Vous savez, quand les artistes sont visés par un régime politique alors personne n’est à l’abri. Jusqu’où ira-t-il ici ? Que va devenir cet endroit que j’aime tant ? ».
Déjà, une comédie musicale pour jeune public a été annulée. Finn raconte l’histoire d’un requin qui préfère la compagnie des petits poissons à celle de ses pairs. Ses auteurs la considèrent comme une ode à la différence, en général et y compris pour l’identification LGBT, mais pas seulement. Raison invoquée officiellement ? Des questions de budget. Le problème, c’est que, quelques jours plus tard, même punition pour une performance du Gay Men’s Chorus prévue fin mai pour lancer le Pride Month, le mois des fiertés.
Un autre concert, cette fois du National Symphonic Orchestra, orchestre résident du Kennedy Center, a été reporté sine die. Le thème dudit spectacle ? L’amour et la diversité.
L’inquiétude monte et le monde des arts est catastrophé. Une manifestation (avec une performance de drag queens évidemment) s’est tenue devant le Kennedy Center avec des centaines de participants la semaine dernière. Catastrophé mais aussi terrorisé. D’après le Washington Post, de nombreux acteurs de la culture refusent même de prendre la parole sur le sujet, de peur de s’attirer les foudres du Roi Trump.
Des spectacles annulés
Toutefois, le musicien Ben Folds et la cantatrice Renée Fleming ont quitté leurs rôles de conseillers artistiques du Centre, en guise de protestation. Dans la foulée, la réalisatrice et productrice Shonda Rhymes, créatrice de la série Grey’s Anatomy entre autres, a démissionné de son poste de trésorière, en prenant la peine de citer JFK : « Si l'art doit nourrir les racines de notre culture, la société doit laisser l'artiste libre de suivre sa vision là où elle le mène. »
L’actrice et réalisatrice Issa Rae, elle, est la 1e artiste à avoir annulé sa venue au Kennedy Center, pour une rencontre avec le public, programmée fin mars et qui devait se tenir à guichets fermés. Par ricochet, ces changements de programme ont suscité la colère du public contre cette mainmise politique.
Sans le soutien de l’État fédéral, après 18 mois de fermeture forcée en 2020 à cause de la pandémie de Covid-19, le Centre n’aurait peut-être pas survécu. Mais ce n’est sans doute rien comparé aux secousses qui l’attendent ces prochains mois.
Donald Trump a nommé Richard Grenell, ancien ambassadeur en Allemagne et ancien directeur du renseignement national, patron du site par intérim. Un choix très critiqué puisque ce soutien de longue date du Commander in Chief n’a jamais travaillé dans le milieu de l’art.
Quel effet sur la programmation ?
Difficile de connaître les intentions réelles de Donald Trump. Un ancien de l’administration Reagan y voit une bonne occasion pour amener le très grand public dans cette salle parfois jugée élitiste.
Mais la prise de contrôle de ce haut lieu culturel rappelle à la salariée, évoquée plus haut, une autre époque : « Je n’aime pas faire ce genre de comparaisons faciles mais ça nous renvoie quand même vers les années 1930, non ? ».
Certains historiens dessinent plutôt une comparaison, non dénuée d’ironie, avec la révolution culturelle maoïste : une défiance vis-à-vis d’élites culturelles et bourgeoises, coupables de déloyauté.
D’autres rappellent toutefois que la reprise en main du monde culturel est un travail lent mais qui finit par fonctionner, comme le prouverait le travail de sape opéré en Hongrie par Viktor Orbán contre la presse et les arts, depuis son accession au pouvoir. Là-bas désormais, le milieu est largement imprégné de l’idéologie du Premier ministre. Les changements se sont faits petit à petit, à coups de nominations de-ci, de-là.
Et quid de la programmation alors ? Au-delà des 2 premiers spectacles supprimés, beaucoup ironisent : la nouvelle programmation fera-t-elle la part belle à Village People et Kid Rock ? Dans le nouveau conseil d’administration, Donald Trump a choisi un seul artiste : Lee Greenwood. Un très proche du Président, auteur de « God Bless the USA », un tube patriotique aux paroles grandiloquentes et à la mélodie surannée, utilisé pendant toute la campagne par le candidat républicain et que le chanteur de 82 ans venait souvent interpréter sur scène lors des gros meetings. Quelle sera son empreinte sur le Kennedy Center ? Pour le moment, aucune nouvelle représentation n’a été ajoutée au programme.
Les recommandations
Chaque année, les Kennedy Center Honors célèbrent l’excellence artistique. Et certaines prestations sont restées dans les annales. La page YouTube du Kennedy Center en rassemble beaucoup. Voici un top 5, 100% subjectif :
2005, Beyoncé électrise le public dont le couple présidentiel Bush avec « Proud Mary », en l’honneur de Tina Turner
2015, Aretha Franklin interprète « (You Make Me Feel Like) A Natural Woman » en l’honneur de Carole King, co-autrice du titre, devant un couple Obama ému aux larmes
1987, Ray Charles revisite « Birth of the Blues », en l’honneur de Sammy Davis Jr que le 1er surnomme Mr Wondeful
2014, Tiler Peck, la star du New York City Ballet, danse sur un extrait de « Who Cares? », l’œuvre de George Balanchine, en l’honneur de la ballerine Patricia McBride
2012, le groupe Heart reprend « Stairway to Heaven », en l’honneur de Led Zeppelin
Et parce que c’est notre première lettre Côte à côte, nous ajoutons ce classique du regretté Elliott Smith :